Après s’être joint aux élèves et étudiants jeudi, le Pape a rencontré ce vendredi, place Saint-Pierre, les éducateurs venus du monde entier, à l’occasion du jubilé du monde éducatif. Reprenant quatre aspects de la doctrine de saint Thomas - l'intériorité, l'unité, l'amour et la joie - Léon XIV a souhaité que ces principes deviennent «les pivots d'un chemin à parcourir ensemble, faisant de cette rencontre le début d'un parcours commun de croissance et d'enrichissement mutuel».
Fabrice Bagendekere, SJ – Cité du Vatican
C’est sur son expérience d’enseignant dans les institutions éducatives de l'Ordre de Saint-Augustin que Léon XIV a axé son discours aux éducateurs venus du monde entier et engagés à tous les niveaux, de l'école primaire à l'université. L'intériorité, l'unité, l'amour et la joie, quatre aspects de la doctrine de saint Thomas d'Aquin, «docteur angélique», sont pour le Pape augustin les fondamentaux pour l'éducation chrétienne. Il voudrait ainsi qu’ils deviennent les «points cardinaux» de la mission éducative qui, selon lui, contribue à l’incarnation du visage de «l'Église (...) Mère et Maîtresse (…) pour tant d'élèves et d'étudiants à l'éducation desquels vous vous consacrez».
La vérité circule dans la rencontre profonde entre les personnes
Au sujet de l'intériorité, reprenant une affirmation de saint Augustin dans In Epistolam Ioannis ad Parthos Tractatus 3,13: «le son de nos paroles frappe les oreilles, mais le vrai maître est à l'intérieur», le Pape a rappelé qu'«il est erroné de penser que de belles paroles ou de bonnes salles de classe, des laboratoires et des bibliothèques suffisent pour enseigner». «Ce ne sont que des moyens et des espaces physiques, certes utiles, mais le Maître est à l'intérieur», a-t-il affirmé, soulignant que la vérité ne circule pas à travers les sons, les murs et les couloirs, mais dans «la rencontre profonde entre les personnes, sans laquelle toute proposition éducative est vouée à l'échec».
Seule l’intériorité peut amener les élèves et les enseignants à se rapprocher de la vérité
Poursuivant cette réflexion, le Pape a indiqué que les élèves ont actuellement besoin d'aide pour «entrer en contact avec leur for intérieur», soulignant le défi de la superficialité auquel ils sont confrontés, pris au piège d’«un monde dominé par des écrans et des filtres technologiques». Il a par ailleurs montré que même pour les éducateurs, «souvent fatigués et surchargés de tâches bureaucratiques», il y a un risque réel d'oublier le «cor ad cor loquitur (le cœur parle au cœur)» - une expression de saint John Henry Newman et que saint Augustin recommandait en disant: «Ne regarde pas à l'extérieur. Reviens à toi-même. La vérité réside en toi».
Selon Léon XIV, ces deux expressions invitent à «considérer la formation comme un chemin sur lequel enseignants et disciples marchent ensemble (…) conscients de ne pas chercher en vain mais, en même temps, devoir continuer à chercher après avoir trouvé». «Seul cet effort humble et partagé – qui, dans le contexte scolaire, prend la forme d'un projet éducatif – peut amener les élèves et les enseignants à se rapprocher de la vérité», a dit le Souverain pontife.
Le chemin de l’apprentissage, un défi à se décentrer de soi
Concernant l’unité, le Pape, dont la devise pontificale est centrée sur le concept même - In Illo uno unum est, a indiqué que «c'est seulement dans le Christ que nous trouvons véritablement l'unité, comme des membres unis au Chef et comme des compagnons de voyage sur le chemin de l'apprentissage continu de la vie». Selon le Saint-Père, cette dimension du «avec», constamment présente dans les écrits de saint Augustin, est fondamentale dans les contextes éducatifs, comme défi à «se décentrer» et comme «stimulant à grandir». Aussi, Léon XIV a-t-il saisi cette occasion pour annoncer sa décision de reprendre et d'actualiser le projet du Pacte éducatif mondial, qu’il considère comme l'une des intuitions prophétiques de son «vénéré prédécesseur», le Pape François.
L’enseignement ne peut jamais être séparé de l’amour
Au sujet de l'amour – le troisième mot, le Pape a souligné que «partager ses connaissances ne suffit pas pour enseigner: il faut de l'amour». «L'enseignement ne peut jamais être séparé de l'amour, et l'une des difficultés actuelles de nos sociétés est de ne plus savoir valoriser suffisamment la grande contribution que les enseignants et les éducateurs apportent à la communauté à cet égard», a affirmé Léon XIV, indiquant que «c'est seulement ainsi que cela sera profitable pour ceux qui le reçoivent, en soi et aussi et surtout pour la charité qu'il véhicule».
Par ailleurs, rappelant que «l'amour de Dieu est le premier commandement, l'amour du prochain est le premier à mettre en pratique», le Saint-Père a exhorté ceux qui sont engagés dans le domaine de la formation à toujours se poser ces cinq questions: «quel est l'engagement pris pour répondre aux besoins les plus urgents, quel est l'effort pour construire des ponts de dialogue et de paix, y compris au sein des communautés enseignantes, quelle est la capacité à surmonter les préjugés ou les visions limitées, quelle est l'ouverture dans les processus d'apprentissage mutuel, quel est l'effort pour aller à la rencontre et répondre aux besoins des plus fragiles, des pauvres et des exclus?».
Face à l’isolement et la fragilité qui caractérisent notre temps, le rôle des éducateurs est l’engagement humain
Enfin, concernant la joie, le Pape a indiqué que «les vrais maîtres enseignent avec le sourire et leur pari est de réussir à éveiller des sourires au fond de l'âme de leurs disciples», affirmant avec inquiétude voir dans nos contextes éducatifs actuels, «se développer les symptômes d'une fragilité intérieure généralisée, à tous les âges». «Nous ne pouvons fermer les yeux devant ces appels à l'aide silencieux, nous devons au contraire nous efforcer d'en identifier les causes profondes», a dit le Pape, faisant noter que «l'intelligence artificielle avec ses connaissances techniques, froides et standardisées, peut isoler davantage des élèves déjà isolés, leur donnant l'illusion qu'ils n'ont pas besoin des autres ou, pire encore, le sentiment qu'ils n'en sont pas dignes». Dans ce contexte, a dit le Pape, le rôle des éducateurs est l’«engagement humain, et la joie même du processus éducatif est tout à fait humaine, une flamme qui fusionne les âmes et en fait une seule».
source: https://www.vaticannews.va/